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Malgré l’existence d’une loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes, le marché de l’emploi reste fortement inégalitaire : femmes et hommes n’exercent pas dans les mêmes secteurs et on ne leur confie pas les mêmes tâches ; les femmes restent largement minorisées dans les postes à responsabilité ; les inégalités de salaires, les discriminations à l’embauche et au niveau de l’accès aux formations continues restent la règle… Mais tout cela n’est pas une fatalité et on peut en partie s’y opposer et contester. Pour cela, il est souvent utile de se faire aider et/ou d’agir collectivement. Allons examiner cela de plus près !


Discrimination à l’embauche

Selon la Loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg), « [I]l est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s’agissant de femmes, leur grossesse » (art. 3, al. 1 LEg). Cette interdiction s’applique à l’embauche, à l’attribution des tâches, à l’aménagement des conditions de travail, à la rémunération, à la formation et à la formation continue, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail. Par exemple, le fait de ne pas engager une femme parce qu’elle pourrait tomber enceinte constitue une discrimination interdite par la loi.

Dès lors, les femmes n’ont pas d’obligation de déclarer leur grossesse ou leur projet de grossesse lors d’un entretien d’embauche. Les employeurs ne sont pas censés poser des questions concernant les éventuels projets de grossesse. La question concernant une grossesse en cours est également non admissible, sauf si la grossesse empêche la réalisation du travail (mannequin, danseuse) ou si le poste expose le fœtus et la mère à un danger (travail astreignant, exposition à des produits toxiques, à des radiations, à du bruit, etc.). Si une travailleuse se pense victime d’une discrimination à l’embauche, elle peut exiger de l’employeur qu’il motive son refus d’embauche par écrit (art. 8 LEg). Elle peut également réclamer une indemnité allant jusqu’à 3 mois de salaire en s’adressant au tribunal dans les trois mois à compter du moment où le refus d’embauche lui a été communiqué (art. 8 LEg). Si elle ne le fait pas dans ce délai, elle perd ses droits.


Discrimination salariale

En Suisse, la différence de salaire entre hommes et femmes, en défaveur des femmes, se montait en 2014 à 18,1%, selon l’Office Fédéral de la Statistique. Elle était un peu plus élevée dans le secteur privé que dans le secteur public. Cette différence salariale comprend une part explicable et une autre part non explicable. Elle « s’explique » en partie par les inégalités du marché du travail, et notamment le fait que les femmes sont très peu présentes dans les postes à responsabilité (qui sont les mieux payés) et sont extrêmement nombreuses dans les branches où les salaires sont bas, comme l’hôtellerie et la restauration (salaire médian à plein temps : 4333 CHF) ou le commerce de détail (4761 CHF). L’autre partie (environ 40%) de la différence salariale est non explicable, et relève de la discrimination directe : à conditions égales (poste, tâche, responsabilité, compétences, qualifications, ancienneté, etc.) les femmes sont souvent moins rémunérées que leurs collègues masculins. Cette discrimination directe représente en moyenne 600 francs par mois que les femmes ne touchent pas. Elle se répercute sur leur pouvoir d’achat et les prestations sociales, notamment les rentes touchées à la retraite.

A noter par ailleurs que la comparaison des salaires s’effectue sur le salaire standardisé, c’est-à-dire sur la base d’un taux d’occupation de 100%, alors que la majorité des femmes (6 femmes sur 10) travaillent à temps partiel (pour 1 homme sur 10). Cela implique que la différence réelle de salaire entre hommes et femmes est en fait bien supérieure à 18,1%.

Une personne victime de discrimination peut s’adresser à son employeur pour faire corriger l’erreur, et peut également demander conseils et informations au Bureau de l’égalité de son canton. Elle peut aussi s’adresser à l’office de conciliation cantonal (service gratuit). Enfin, la voie judiciaire est également possible, soit par la personne elle-même, soit par une association ou syndicat qui agit en son nom. La LEg renverse le « fardeau de la preuve » : la victime doit uniquement rendre vraisemblable l’existence d’une discrimination basée sur le sexe, et c’est à l’employeur de prouver que l’inégalité se fonde sur des motifs objectifs. La victime est protégée contre le licenciement durant toute la procédure.

Des organisations syndicales, féminines et féministes s’engagent depuis plusieurs années pour revendiquer un contrôle étatique régulier des salaires dans les entreprises, avec des sanctions pour les cas de discrimination salariale. Pour l’instant, aucun projet allant dans ce sens n’a abouti au niveau fédéral.


Division sexuée du travail

Comme expliqué dans la notice Formation professionnelle, certaines filières d’études sont plus investies par les hommes et d’autres davantage par les femmes. Il en est de même sur le marché du travail : certains secteurs voient une sur-représentation des femmes parmi les employé·es (p.ex. les soins ou le travail social), et d’autres rencontrent un quasi monopole des hommes (arts et métiers, ingénierie). D’autres divisions se créent à l’intérieur même des filières : comme c’est le cas en travail social : certaines professions, notamment celles basées sur le travail de care (soin) sont exercées quasi exclusivement par les femmes (professionnel·le·s de la petite enfance, aides à domicile) alors que d’autres professions sont plus mixtes (par exemple l’éducation spécialisée, qui mobilise davantage les valeurs associées au masculin, comme l’autorité ou la force physique). Enfin, au sein même des métiers, on attribue souvant des tâches différentes aux professionnel·les : aux hommes les rôles liés à l’autorité ou à la loi, et aux femmes les fonctions de soin du sorps, de réconfort, ou d’hygiène. Ce phénomène de division des tâches entre hommes et femmes est appelé division sexuée du travail. Celle-ci s’opère selon un principe de séparation et de hiérachie : il y aurait des travaux d’hommes et des travaux de femmes et un travail d’homme « vaut » plus qu’un travail de femme. En conséquence, les métiers et tâches féminisées sont souvent aussi les moins valorisés et les moins rémunérés, lorsqu’ils ne sont pas réalisés gratuitement, comme c’est le cas du travail domestique. Ce n’est pas un hasard si deux tiers des femmes travaillent à temps partiel, contre un tiers d’hommes : c’est bien elles qui doivent le plus souvent jongler entre travail domestique, famille et emploi. Sans parler du fait qu’elles sont concentrées dans un nombre beaucoup plus restreint de métiers. Enfin, dans tous les secteurs, les postes à responsabilité sont occupés en majorité par des hommes. C’est ce que l’on appelle le plafond de verre : plus on monte en hiérarchie, moins les femmes sont nombreuses. Cette tendance est aussi valable dans les métiers pourtant fortement féminisés.


Congé maternité/paternité et assignation aux sphères domestique/professionnelle

En Suisse, les femmes actives professionnellement bénéficient d’un congé maternité fédéral depuis 2005. Il est d’un minimum de 14 semaines de congé, payées à 80% du salaire (certains employeurs offrent des prestations supérieures). Il n’existe en revanche pas de loi accordant un congé paternité, mais dans la pratique, un ou deux jours de congé sont en général accordés aux jeunes pères, par leur employeur. Certaines entreprises ou conventions collectives de travail sont plus favorables et accordent un congé paternité (parfois payé) plus long. Plusieurs initiatives ont déjà été déposées pour inscrire dans la loi un congé paternité payé. Toutes ont été rejetées. Le peuple suisse devra se prononcer en 2018 sur la dernière en date, qui propose un congé paternité de 4 semaines financées, comme le congé maternité, par l’assurance perte de gain.

La Suisse est ainsi l’un des derniers pays européens qui ne garantit pas de congé paternité dans sa loi. Cet état de fait est accompagné d’une divergence entre les parcours des mères et ceux des pères à l’arrivée du premier enfant : alors que l’engagement des pères dans la sphère professionnelle se renforce à ce moment-là, celui des mères diminue, voire disparaît. Parallèlement, les heures dédiées par les femmes au travail domestique augmentent drastiquement alors que celles des hommes diminuent. A l’inverse d’autres pays, notamment du nord de l’Europe, où il existe un congé parental de longue durée à partager à choix entre les deux partenaires, la Suisse promeut donc un modèle favorisant une répartition traditionnelle des rôles entre femmes et hommes.


Pour aller plus loin

Sur la discrimination à l’embauche

Loi fédérale sur l’égalité entre les femmes et les hommes du 24 mars 1995 (LEg) : RS 151.1.

Site internet www.leg.ch (lois et jurisprudence en matière d’égalité entre femmes et hommes)

Brochure du SECO Maternité. Protection des travailleuses. Berne, 2016.


Sur la discrimination salariale

Site internet www.leg.ch (lois et jurisprudence en matière d’égalité entre femmes et hommes)

Communiqué de presse Les écarts salariaux entre les femmes et les hommes continuent de se réduire. Enquête suisse sur la structure des salaires 2014. OFS, 07 mars 2017.

Vers l’égalité des salaires. Faits et tendances. OFS, 2013.

Les Etats opposés à une transparence salariale hommes-femmes imposée. RTS, 28 février 2018.


Sur la division sexuée du travail

Lamamra, N. (2015, 30 décembre). Apprendre un métier et la division sexuelle. Reiso. Récupéré de www.reiso.org.

Direction générale de la cohésion sociale. (2014). Comprendre la division sexuée du travail social. Cahiers Stratégie & Prospective, 1, 18-34.

Herman, E. (2007). La bonne distance. L’idéologie de la complémentarité légitimée en centres de loisirs. Cahiers du Genre, 42,(1), 121-139.

Page « Le genre » du site www.histoiredelasecuritesociale.ch

Bessin, M. (2009). Focus - La division sexuée du travail social. Informations sociales, 152,(2), 70-73.


Sur le congé maternité/paternité et l’assignation aux sphères domestique/professionnelle

Congés liés à la naissance, site internet de la Confédération suisse

Levy, R. (2017, 2 février). Devenir parents, devenir inégaux – un lien fatal ? Reiso. Récupéré de www.reiso.org.

Levy, R. (2011, 27 janvier). Les enfants nous rendent traditionnalistes. Reiso. Récupéré de www.reiso.org.

OFS. (2013). Les pères engagés dans la sphère domestique et familiale. Module sur le travail non rémunéré 2010 de l’enquête suisse sur la population active. Neuchâtel : OFS.

Page « Famille, maternité, paternité » du site www.histoiredelasecuritesociale.ch

Page thématique Maternité du Syndicat suisse des services publics (SSP)


Ressources

Page thématique Egalité des sexes de l’Union syndicale suisse (USS)

Page thématique Femmes du Syndicat des services publics (SSP)

Vidéos sur l’égalité salariale (Syndicat Unia)

Bureaux de l’égalité des cantons romands


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